La Champagne-Ardenne accueille 3 espèces de pies-grièches. Si l’écorcheur se laisse assez aisément observer le long des chemins buissonnants à proximité de pâtures, les deux autres représentantes de la famille que sont la Pie-grièche grise et la Pie-grièche à tête rousse se font nettement plus confidentielles.
Comme bon nombre d’oiseaux affiliés au milieu agricole, les pies-grièches ont connu une diminution vertigineuse de leur population au tournant des années 60, époque où les pratiques agraires extensives étaient délaissées. La récession de l’élevage au pâturage, les nombreux arrachages de haies et autres éléments fixes du paysage et l’intensification des pratiques ont failli sonner le glas de ces oiseaux aux mœurs singulières. En danger, les pies-grièches se sont vues dotées d’un Plan national d’actions (PNA) pour tenter d’enrayer leur déclin et maintenir les derniers noyaux de population.
La LPO Champagne-Ardenne veille depuis de nombreuses années sur ces « bandits masqués » (surnom en référence à un des critères caractéristiques de la famille : un bandeau noir qui s’étend le long des yeux). La zone de protection spéciale (ZPS) du Bassigny, site Natura 2000, constitue le dernier coin de Champagne-Ardenne accueillant à la fois la Pie-grièche à tête rousse et la Pie-grièche grise en période de nidification. Mais pour combien de temps encore et pour quelles populations ? C’est pour répondre à ces interrogations que des suivis ont été conduits au sein de la ZPS. La saison 2023 fut consacrée à l’inventaire de la Pie-grièche à tête rousse dans le cadre de la déclinaison régionale du PNA. C’est avec de la persévérance et sans doute une bonne dose de chance que l’on atteint les 11 couples et la production de 26 jeunes à l’envol ! Résultats quasi inespérés tant ceux du dernier recensement mené 5 ans plus tôt se voulaient accablants (2 territoires seulement en 2018).
S’il faut se réjouir de pouvoir encore contempler la belle à tête rousse dans les prairies pâturées ensoleillées et les prés-vergers du sud-est de la Haute-Marne, sa situation demeure fragile et des menaces perdurent comme notamment le retournement des prairies au profit de cultures annuelles. Les actions de sensibilisation auprès de la profession agricole sont donc essentielles pour que perdure la Pie-grièche à tête rousse.